ciliaient avec leurs ennemis de tout à l’heure.
Prisonniers et capteurs, vainqueurs et vaincus, hoquetaient, en se serrant mutuellement dans leurs bras, et se juraient, les uns aux autres, de solennels serments de respect et d’estime.
Et tous, ils gémissaient sur leurs misères passées et à venir, sous la loi de fer de Loup Larsen. Ils le maudissaient en chœur et ne tarissaient pas sur sa brutalité.
C’était un tableau étrange et effrayant : le petit espace, bordé de couchettes, où tous ces hommes, ces demi-bêtes devrais-je dire, étaient entassés ; leurs ombres qui dansaient, sous la lumière confuse des lampes, s’allongeaient monstrueusement ou se raccourcissaient, à chacune des secousses du navire ; l’atmosphère épaissie par la fumée des pipes était également imprégnée de l’odeur de tous ces corps et de celle de l’iodoforme, et dans laquelle s’estompaient les trognes enluminées.
Près de moi, Oofty-Oofty, tenant en main l’extrémité d’un pansement, regardait la scène, de ses grands yeux noirs et veloutés, pareils à ceux d’un daim, dont ils avaient la douceur.
Et je n’ignorais pas, pourtant, quel démon sauvage, embusqué dans sa poitrine, se dissimulait sous cette apparence trompeuse.
Je remarquai aussi la bonne figure, un peu poupine, d’Harrison, toute congestionnée d’une fureur diabolique, pendant qu’il racontait aux