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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/349

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JACK LONDON

nuages, les mêmes vagues mugissantes sous le même vent mordant, j’eus bien peur qu’elle ne se réveillât pas.

Elle n’était pas morte, mais seulement engourdie par le froid.

Quant à moi, je n’avais pas fermé l’œil depuis quarante-huit heures. J’étais trempé et transi jusqu’à la moelle des os, et plus mort que vif.

La fatigue, autant que le froid, me raidissait les membres. Pour moi, c’était une torture de faire jouer mes muscles, et je ne pouvais leur donner un instant de repos.

Comble de malheur, nous dérivions à présent vers le nord-ouest. C’est-à-dire dans une direction nettement opposée à celle du Japon, et vers la mer désolée de Behring.

Et pourtant nous vivions quand même. Quand même le canot résistait. Et le vent ne s’apaisait pas.

À la tombée de la cinquième nuit, il eut un nouvel accès de fureur. L’avant du canot piqua du nez dans une lame et, quand il se redressa, l’embarcation était pleine d’eau pour un bon quart.

Affolé, j’écopai en hâte et, lorsque j’eus terminé, je saisis la bâche dont je m’étais servi pour couvrir Maud et l’étendis sur l’avant du canot. Ce fut une excellente protection contre les lames qui s’y déversaient et nous inondaient un peu moins.

Maud était dans un état lamentable. Elle gisait, blottie au fond du canot, les lèvres bleues. Sur son

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