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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/351

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JACK LONDON

se perdit à l’horizon et nous occupâmes seuls l’immense cercle de la mer.

Vinrent ensuite des jours de brouillard, où l’humeur de Maud s’assombrissait et où les mots joyeux ne voltigeaient plus sur ses lèvres ; des jours de calme, où nous flottions, immobiles, sur cette étendue solitaire, opprimés par sa grandeur et admirant pourtant le miracle de la vie qui persistait à lutter en nous ; des jours de tourmentes de neige et de grésil, où tous nos efforts ne parvenaient pas à nous réchauffer et à ramener la circulation du sang dans nos veines ; des jours de pluie battante, où nous remplissions nos caisses d’eau douce, en faisant égoutter au-dessus d’elles la voile humide.

Et toujours j’aimais Maud d’un amour grandissant. Amour silencieux, dont l’aveu me venait mille fois sur les lèvres, mais que je refrénais toujours, car l’heure n’était pas propice pour une telle déclaration.

Ce n’est pas au moment où on livre une bataille désespérée pour le salut d’une femme, qu’il convient d’attendre d’elle une réponse à cet amour.

Nous vivions côte à côte comme de bons camarades, sans qu’un mot, un geste, un regard trahît jamais mes sentiments secrets. Et ce qui était du moins certain, c’était l’affection croissante qui mutuellement nous unissait.

Chaque jour, Maud m’apparaissait comme le Protée de la Fable, sous un aspect imprévu. Elle

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