Il y eut un silence, puis Loup Larsen reprit :
— Il y a des phoques sur cette île. Ce sont eux qui m’ont réveillé par leurs aboiements. Sans quoi, je dormirais encore… Dès hier soir, quand la goélette a été jetée ici par la tempête, j’avais cru percevoir leur voix.
« Bref, ça fait des années que je cherche une pareille phoquerie. C’est une fortune assurée. Et je suis tombé dessus, grâce à mon excellent frère…
— Où sont vos hommes ? demandais-je. Comment se fait-il que je vous trouve seul ?
Je m’attendais à ce qu’il élude ma question. Mais il me répondit carrément :
— Larsen-la-Mort a eu le dessus. Ça n’est pourtant pas négligence de ma part. Il a accosté le Fantôme pendant la nuit, pendant que je dormais dans ma cabine.
« Il a offert à mes hommes un salaire supérieur. Et tous, alors, m’ont lâché. Il en a été de même des chasseurs. Je suis arrivé juste à temps pour les voir déguerpir. Si je vous disais que ça m’a étonné, je mentirais. J’ai été abandonné sur mon bateau.
« C’est une belle victoire pour Larsen-la-Mort. Mais une victoire qui ne sort pas de la famille.
— Mais comment avez-vous perdu vos mâts ?
— Avant de me laisser en arrière, l’équipage, sur l’ordre de mon frère, a coupé tous les cordages qui les maintenaient en place.
« Ils tenaient encore debout tant bien que mal. Mais le coq en avait scié la base et, deux heures