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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/417

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JACK LONDON

je souris pour l’éternité, avec mon âme, bien entendu.

L’homme n’avait pas changé. C’était toujours le terrible et indomptable Loup Larsen, emprisonné dans ce corps qui avait été autrefois splendide et invincible. À présent cloué à son lit de douleur, il tenait son âme emmurée dans les ténèbres et le silence. Jamais plus il ne pourrait conjuguer le verbe « agir » mais il « existait » encore.

Et pourtant, après lui avoir retiré les menottes, nous ne pouvions croire véritablement à son état. Nos esprits se révoltaient. Pour nous, il restait un homme plein de forces. Nous ignorions s’il ne fallait pas encore craindre quelque manifestation terrible de sa part.

La mauvaise saison était définitivement venue. Averses et tempêtes de neige ne discontinuaient pas. Le troupeau de phoques avait émigré vers le sud. L’île de Bonne-Volonté était pratiquement déserte. Je travaillais dans la fièvre à la réparation du bateau. Malgré le mauvais temps et le vent, je restais sur le pont depuis l’aube jusqu’à la nuit tombée et avançai mon travail de Titan.

Un soir, Maud et moi nous étions dans le carré quand je sentis soudain une âcre odeur de fumée.

Je regardai, très intrigué, la lampe allumée qui était pendue au plafond. Sa flamme était vive et claire, et la mèche ne charbonnait pas.

— Ça sent le brûlé, fit-elle d’un ton convaincu.

— Montez d’abord sur le pont.

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