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Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/67

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LES TEMPS MAUDITS

de tous les mouvements de ses mains, de tous les tiraillements de ses membres, et ces prodromes s’orientaient vers une future ligne de conduite, qui devait l’étonner lui-même autant que tout son petit monde.

Le printemps tirait à sa fin quand, un soir, il revint du travail avec un sentiment de fatigue plus qu’ordinaire. Au moment où il se mit à table, l’air était chargé d’une vague expectative qui n’attira point son attention. Il s’assit dans un silence maussade, mangeant machinalement ce qui se trouvait devant lui. Les enfants poussaient des « hum ! » et des « ah ! » en faisant claquer leurs langues. Mais il demeurait sourd à ces manifestations.

— Sais-tu ce que tu manges ? demanda enfin sa mère au désespoir.

Vaguement, il regarda le plat posé devant lui, puis elle-même.

— C’est de l’ « île flottante ! » annonça-t-elle triomphalement.

— Oh ! fit-il.

Et après deux cuillerées, il ajouta :

— Je crois que je n’ai pas faim ce soir.

Il laissa tomber la cuiller, repoussa sa chaise et se leva de table avec un air de lassitude.