Page:Londres - Au bagne.djvu/154

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Passé le camp malgache, nous entrions au camp Godebert. Nous étions en pleine forêt vierge. Le tintamarre des roues sur les rails remplissait les singes rouges de terreur. Ils détalaient comme des lapins, à travers branches.

— Ti veux t’arrêter camp Godebert ? demande ben Kadour.

— Oh ! tu sais, ben Kadour, ces camps, c’est toujours la même chose.

— T’as bien raison, toujours faire le stère, toujours crèver.

Et ben Kadour lançait sa machine sur les rails à cinquante à l’heure.

— Tu vas me casser la figure, ben Kadour.

— Ça, jamais ! je casse la figure de qui je veux ; de qui je veux pas, jamais !

À cette vitesse, on dansait dans ce carrosse sans plus de sécurité que sur une corde raide.

— Qu’est-ce que tu as fait, ben Kadour ?

— Moi ? Rien, absolument rien. Je n’ai pas tué un vivant seulement.

— Alors tu tuais les morts ?

— Pas même, je les dévalisais.

— Où ça ?

— Au cimetière de Tunis.

Et, avec un rire frais :

— J’étais vampire !…

Belle route sauvage que celle de Saint-Laurent à Charvein. Quel pays ! La brousse, des singes, des bagnards. Amateurs de situations étranges,