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le juif errant est arrivé

veux dire qu’on les devine — s’écrasant les pieds, s’étouffant, pour se faire, non plus une place au soleil, mais un trou sous terre. À cette époque, quel que fût leur nombre, vivants, ils devaient tous tenir dans le ghetto, et, morts, tous se coucher dans le cimetière. On n’agrandissait pas davantage l’un que l’autre. Il était déjà beau qu’on leur eût concédé une parcelle du sol chrétien.

Chargées de leurs caractères hébraïques, les stèles se livrent bataille, se saisissant à bras-le-corps pour mieux se déraciner. Il en est qui s’épaulent, lasses de l’effort ; vaincues, beaucoup sont tombées et le tas qu’elles forment témoigne de l’âpreté de la lutte. D’autres, pour assurer définitivement leur position, sont entrées carrément en terre. Les plus acharnées foncent en tous sens, piquant de droite, de gauche, se chevauchant farouchement. Et nous ne parlons que du dernier étage, de celui qui a fini par avoir le dessus, sept ou huit couches de morts meublant l’enclos. Ce n’est pas un lieu de repos, mais un tumulte macabre.

Des pigeons, des lions, des ours, des bouquets, une fleur, des raisins, des petits pots, des mains croisées, des coqs, des loups, des petites vaches, tout cela, sculpté sur ces pierres, signale soit la tribu, soit le nom. Avant Marie-Thérèse d’Autriche,