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TERRE D’ÉBÈNE

Ouanilo s’en allait seul à la découverte de son berceau. Je le voyais marcher sur le plateau d’Abomey, s’arrêtant, s’interrogeant. Un jour, un chef passa près de lui dans son hamac ; ses gens de case portaient le parasol, le crachoir et les autres attributs. Alors que les frères de Ouanilo, plus grands chefs que le passant, eussent fait déblayer la route, Ouanilo se rangea sur le bord et d’un œil où se lisait l’étonnement d’un blanc, il suivit longtemps le cortège traditionnel.

Il s’assit un jour au milieu des ruines du palais de son père. Dans l’une de ses mains, posée sur son genou, il tenait son autre main. Sur ces murs de boue, défaits par le temps, il promenait un regard étranger. Il se leva, parcourut l’emplacement. Il s’inclina devant le tombeau de Glé-Glé, son grand-père, alors qu’il aurait dû tomber à terre et frapper son front contre le sol. Ses ancêtres ne l’appelaient plus.

Les soixante et soixante-dix femmes de ses frères le plongeaient dans de grandes réflexions. Je le vis jeter discrètement sa cigarette, alors qu’elles fumaient la pipe. Dans son salon, un soir que nous causions, son frère Robert entra, torse nu. Il le fit asseoir dans un fauteuil, face à la princesse blanche, sa femme, en toilette de dîner. Il avait la mine d’un écartelé. Tous les soirs, le malheureux avait mal à la tête. Il ne supportait plus le tam-tam.