Quoi ! vous seriez son domestique !
Je suis son esclave, je l’adore !
Prenez garde ! je ne vous conseille pas de vous adresser à madame ; il pourrait vous en coûter cher.
Si tu savais qui je suis, tu avouerais que je la mérite.
Je le sais… (à part) et je vous donne à tous les diables !
Qui suis-je ?
Un homme de qui elle ne se soucie guère, à tort sans doute, et à qui elle n’a témoigné que des rigueurs. Je suis presque sûr qu’elle me préfère à vous, moi qui suis couvert de farine.
Combien y a-t-il de temps que tu n’es allé là-bas ?
Depuis cette époque jusqu’ici, monseigneur, je n’y suis allé qu’une fois.
Et tu l’as trouvée toute resplendissante ?
Au contraire ; elle était vêtue de deuil des pieds à la tête, en l’honneur d’un certain comte qui est mort.
Ce comte est plus vivant que moi.
Ce serait par trop singulier qu’il fût en même temps mort et vivant.
Cela est pourtant. — Mais as-tu vu, dis-moi, par hasard, si elle parlait avec quelqu’un ?
Elle se plaignait à sa suivante d’un prince qui a tué le comte ; elle l’appelait un perfide, un traître, un assassin. À elles deux elles l’accablaient d’injures et de malédictions par-dessus les nues ; et moi, à tout ce qu’elles disaient, pour soutenir leur voix, je répondais : Ainsi soit-il ! — Aujourd’hui que je dois aller chez elle lui porter de la farine, je voudrais la prier de m’apprendre à répéter ces nouvelles litanies, afin de sauver mon âme ; car, bien que je sois en sûreté à cette heure, cependant je ne suis pas encore rassuré[1].
- ↑ Encore un jeu de mots intraduisible. Il porte sur le mot salvado, qui signifie tout à la fois du son et sauvé.