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Frère Buyl.

M’apportes-tu une lettre ?

Auté.

La voici. (Au papier.) Aujourd’hui, j’espère, tu ne diras rien.

Frère Buyl, lisant.

« J’ai fait préparer le canot pour votre retour. Notre général désire que vous ameniez avec vous tous les Indiens de Hayti. »

Auté, à part.

Cela ne va pas mal. Comme le papier ne m’a pas vu manger, il ne lui dit rien.

Frère Buyl, lisant.

« Ils pourraient tous réunis entendre la messe à Guanahami. »

Auté, à part.

Il n’a pas encore fini de parler ; je commence à craindre quelque chose.

Frère Buyl, lisant.

« Suivant mon habitude, et afin que vous vous aperceviez le moins possible de la stérilité de ce pays, je vous envoie douze olives. » (À Auté.) Donne-moi cela. — D’où vient ton trouble ? (Il compte les olives.) Comment ! tu en as mangé quatre ?

Auté, à part.

Eh bien ! il m’a encore vu, quoique je l’eusse couvert. (Haut.) C’est que, mon père, comme elles ont été dans l’eau, elles se sont gâtées, et je les ai jetées pour qu’elles ne gâtassent pas les autres.

Frère Buyl.

Je sais ce qui en est ; et si tu recommences, je te châtierai comme tu le mérites.

Auté.

Je ne me fierai plus jamais au papier.


Entrent TAPIRAZU et un grand nombre d’Indiens.
Tapirazu.

Allons tous avec lui pour lui voir tenir sa promesse ; car il a dit que ce Dieu devait descendre dans ses mains.

Frère Buyl.

Mes enfants, mes chrétiens bien-aimés.

Tapirazu.

Nous allons avec toi, mon père ?

Frère Buyl.

Oui, mes enfants, pour entendre la messe… Y a-t-il des canots pour tous ?

Tapirazu.

Nous en aurons. Dites-nous ce qu’il faut faire.

Frère Buyl.

Vous n’avez qu’à m’accompagner, et à prier pendant le voyage.