Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/84

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ne doute pas qu’a la fin votre vertu n’ait cédé à ses avances. Elle vous adore, je le sais.

Dinarda.

En admettant cela, toujours est-il que je ne vous ai pas offensé.

Le Capitaine.

Les pierres elles-mêmes sont effrayées de ce prodige ; car c’en est un, et des plus grands, que de voir cette femme vous poursuivre comme elle fait… Vous pourrez vous vanter de l’action la plus rare, puisque vous vous jouez d’une femme qui n’est que ruse, calcul, embûche et fourberie. Mais si vous êtes honteux d’avoir abusé de ma confiance, et d’avoir joué en même temps un si grand nombre d’hommes joués par elle, j’exigerai de vous seulement que vous m’aidiez à me venger.

Dinarda.

Si don Juan peut vous être utile à quelque chose, ordonnez, commandez ; son épée, son bras, sa vie, tout est à vous. Je prétends dissiper, à quelque prix que ce soit, vos soupçons injurieux.

Le Capitaine.

Vous vous défendez avec une chaleur…

Dinarda.

Vous saurez plus tard mon histoire, et vous verrez combien vous avez tort.

Le Capitaine.

Écoutez. Il n’est rien que les femmes de cette espèce souhaitent autant que le mariage. Quand on veut se moquer d’elles, on n’a qu’à toucher cette corde. Le dégoût des plaisirs, l’ennui de l’existence qu’elles mènent, les engagent à faire une fin. Puis elles craignent, quand les rides commencent à paraître, de se trouver abandonnées. Puis elles sentent tôt ou tard le besoin d’un protecteur légitime. Aussi y a-t-il beaucoup d’hommes qui les abusent par là, en leur disant demain, après-demain, dans un mois. Vous m’entendez ?

Dinarda.

Vous voulez que je feigne de vouloir être son mari ?

Le Capitaine.

Laissez-moi faire ; vous découvrirez bientôt mon projet.

Dinarda.

Nous voilà arrivés peu à peu à sa maison.

Le Capitaine.

Vous y entrerez pour me la livrer. En ce moment, tenez-vous un peu à l’écart.


Entrent PHÉNICE et CÉLIA.
Phénice.

J’ai tout l’argent bien compté.