Page:Loranger - Les atmosphères.djvu/10

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s’ajouter un peu de mort avec l’inquiétude de ce qu’il allait être. Il eut peur, non pas précisément de la mort mais de ce qu’il allait être avant la mort, de ce qu’allaient devenir ses bras, ses uniques bras, ce qu’il avait toujours été. L’énergie de pomper la vie comme d’un puits était encore en eux ; mais il advint que l’idée de ne pouvoir pas toute la pomper, jusqu’à ce que le trou fut tari, devint sa pensée fixe.

L’homme fut pris de l’égoïsme des travailleurs qui vivent du travail ; l’homme eut peur de ne pouvoir pas travailler, il eut peur de la vie des vieillards qui ne travaillent pas, mais qui gardent assez de bras pour repousser la mort.

Donc, à partir de ce jour de plus aux autres qui faisait sa quatre-vingtième année, en plus des bras qu’il avait, le passeur se découvrit une idée, quelque chose de blotti dans sa tête qui la faisait souffrir. L’homme commença de se connaître ; en plus des bras, il avait une tête ; et pour des heures de sieste il en prit contact, et on le vit se tenir péniblement la tête dans ses deux mains.

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