Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/132

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Modelée en pleine cire, elle était d’une délicatesse de tons et de détails infinie et dans la pénombre de l’atelier, où je venais d’entrer sur les pas de Gormas, cette tête disait non, immobile sur son socle, presque surnaturelle par l’intensité de la bouche orgueilleuse et des yeux de lapis. Était-ce l’heure crépusculaire ? mais, dans l’équivoque décor du hall encombré] de bibelots, d’étoffes anciennes et de blanches nudités de statues que la nuit animait vaguement, un imperceptible froncement de narines dû sans doute à quelque jeu de lumière semblait accentuer encore son indomptable expression de défi.

Symphonica heroïca », la symphonie ! héroïque, me soufflait Gormas à l’oreille. Je m’étais approché près du socle, cherchant à déchiffrer les caractères bizarres qui y étaient inscrits.

« Oui, la symphonie héroïque de Beethoven, tout simplement, mais le curieux, c’est que la femme de cette tête existe, ce sourire qui ne veut pas et ce profil de walkure rodent, du soir au matin, par les rues d’Auteuil et vous l’y rencontrez journellement.

— Un modèle, hasardais-je intrigué.