Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/230

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manège : il veut que je l’interroge, que je le force à m’avouer encore, prêt à se confesser, mais trop lâche pour aller au devant d’une explication franche… et il joue de ruse, il feint de lire, il lit. »

Alors, je le trouvais si femme, pis, si fille, si courtisane, si nous autres et si moi-même dans cette petite comédie, combien de fois jouée par nous dans l’alcôve, auprès des entreteneurs sérieux de notre luxe, que je le méprisais, cet homme-fille, mais si fort, si fort que la nausée me prit et de sa personne et de sa chair et de son odeur : je me levais d’un bond, enfilais un peignoir, courais à mon secrétaire, l’ouvrais et, prenant au hasard une liasse de billets de banque : — « Combien as-tu encore perdu, m’écriai-je ? Combien te faut-il encore ?… Tiens, paie-toi, prends à même… je te tiens quitte… Mais fais vite, hors d’ici. » Et je lui jetai les billets au travers du lit.

Il s’était levé, très pâle, venait vers moi tout nu ; mais, comme une folle, je le frappais étourdiment à la face, et, le repoussant avec une vigueur que je ne me connaissais pas, je sonnais éperdument ma femme de chambre, et, cette fille étant presque aussitôt apparue :