Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu vendue, cet été là, à Saint-Valéry, leur jolie Nini, ce Roberts, et oui, vendue au fils d’un gros filateur de Rouen, un charmant garçon rencontré au bord de la mer et qui paya deux mille francs une aquarelle de miss Roberts.

Heureusement qu’il n’avait pas promis mariage ; Roberts eût été homme à risquer le grand coup et à faire chanter…, mais tout cela était fini. Grâce à Dieu, elle était sortie de la purée, comme elle disait elle-même en s’accoudant à la petite fenêtre ouverte sur le verger ; elle avait enfin trouvé un amour d’homme, pas tout jeune, pas très beau, pas très malin, mais qui l’adorait, lui avait meublé un appartement et l’avait installée cette année dans cette ferme ; elle s’y plaisait beaucoup grâce à sa charrette et à son petit cheval ; ça l’amusait follement de conduire. Il la laissait d’ailleurs bien tranquille, il était parti de la veille et ne reviendrait pas avant le vingt, ils étaient le douze ; ainsi donc… et, comme grisé par la fine odeur de blonde et de jasmins qui s’exhalait d’elle, tenté par la solitude et l’occasion, le jeune homme s’accoudait, lui aussi, à la fenêtre, auprès de la jeune femme et passait un bras autour de cette taille souple,