Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/51

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Où les belles madames promenant leurs hanches et leur ennui joli sur les quais du vieux Havre, tandis qu’un négrillon, retroussant haut leur robe, les abritait d’un large parasol, et qu’un vieux matelot à mine de pirate leur offrait un perroquet des îles ou quelque babouin affublé de soieries et de plumes d’autruche ? Où donc ai-je vu la très charmante estampe dans laquelle était ainsi peuplé et figuré le beau Havre ?

Là-bas, sur un ciel délicatement rose les vergues très fines et les toits du quartier Saint-François montent en dents de scie, silhouettés en gris-bleu dans l’air incandescent du soir.

Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.


Mais je cherche vainement en moi le violon frémissant comme un cœur qu’on afflige de la belle pièce de Baudelaire.

Et je ne songe pas une minute à elle ; mon indifférence me fait peur : décidément je dois être ivre.

Oh ! cet air saturé de poivre et de goudron, oh ! l’atmosphère d’ambre et d’oubli de ce Havre crépusculaire !


20 juillet. — Je suis rentré à Paris et je suis