Page:Lorrain - Sensations et Souvenirs, 1895.djvu/123

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à l’aider de mes lumières dans l’organisation de la fête et, arrivé l’avant-veille du fameux jour en plein tohu-bohu des derniers préparatifs et d’une maison presque entièrement déménagée, j’avais été relégué je ne sais où, tout à l’extrémité du logis, dans une aile ordinairement inhabitée.

Mon ami et sa jeune femme s’en étaient excusés, au désespoir de me loger si loin, mais les autres pièces étaient encombrées par le mobilier, puis trois nuits étaient vite passées et j’avais d’ailleurs la plus belle vue sur la campagne et les bois environnants.

Mon ami habitait aux portes de la ville ; et le corps de logis où on m’avait confiné, bâti à cheval sur le mur de clôture, dominait, en effet, un chemin de traverse et le plus vaste horizon de vallées et de forêts qu’on eût pu souhaiter, mais d’une solitude et d’une tristesse sous ce ciel jaune et bas d’hiver !

Superbe, en effet, le paysage ! mais d’une détresse à vous noyer l’âme de spleen. Entrevu par les vitres claires des deux hautes fenêtres à grands rideaux blancs, c’était à boucler sa valise et à reprendre le train le soir même ; carrelée, d’ailleurs, avec son étroite cheminée de marbre blanc et ses meubles Empire, la chambre était froide et sèche comme un parloir de couvent, elle exhalait de tous les coins une indéfinissable odeur d’ambre vieux et de poires mûres ; mon Dieu, qu’étais-je venu faire là ! Il aurait fallu des troncs d’arbres entiers pour