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Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/41

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rins, isolés et rares, ou alors une certaine élite de blasés curieux, pires profanateurs que les Sarrasins ou les Bédouins…

L’espèce de buée immense dont l’air est rempli continue d’obscurcir le soleil, qu’on ne voit bientôt plus ; elle atténue les choses lointaines dans un effacement étrange. Les collines de pierres, du même gris violacé que le ciel de cette matinée, se succèdent de plus en plus hautes, mais avec des silhouettes rondes toujours semblables, avec des contours adoucis où rien ne heurte la vue, — comme si c’étaient des nuages. Dans les vallées ou sur les cimes, le sol est pareil, couche uniforme de pierres exfoliées, piquées de myriades de petits trous, qui rappellent la nuance et le grain de l’écorce des chênes lièges. — Et c’est ainsi partout, sous l’atténuation de cette vapeur persistante qui se condense d’heure en heure davantage. Un ciel gris perle et un pays gris perle, sans un arbre, dans la monotonie duquel des maisonnettes de pâtres ou des ruines, très clairsemées, font des taches d’un gris plus rose.

À travers ce demi-jour d’éclipse, nos esprits pressentent anxieusement l’approche des lieux saints. Tout un passé, toute une enfance personnelle et tout un atavisme de foi revivent momentanément au fond de nos cœurs, tandis que nous cheminons