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Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/42

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sans parler, tête baissée, reposant nos yeux sur les éternelles petites fleurs des printemps d’Orient qui bordent la route, cyclamens, anémones et pentecôtes…

Plus élevées encore, les montagnes nous maintiennent dans plus de pénombre ; les brumes inégalement transparentes en changent les proportions et les augmentent ; un grand silence règne au plus profond de ces vallées de pierres, où ne s’entend que le pas de nos chevaux…

Et tout à coup, là-bas, très haut en avant de nous, au sommet d’une des plus lointaines montagnes gris perle, s’esquisse une petite ville gris rose, indécise de teinte et de contours comme une ville de rêve, apparaissant presque trop haut au-dessus des régions basses où nous sommes ; cubes de pierre rosée, avec des minarets de mosquées, des clochers d’églises — et notre guide nous l’indique de son lent geste arabe, en disant : « Bethléem !… »

Oh ! Bethléem ! Il y a encore une telle magie autour de ce nom, que nos yeux se voilent… Je retiens mon cheval, pour rester en arrière, parce que voici que je pleure, en contemplant l’apparition soudaine ; regardée du fond de notre ravin d’ombre, elle est, sur ces montagnes aux apparences de nuages, attirante là-haut comme une suprême patrie… Bien inattendues,