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Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/55

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temps semblent plus jeunes de dix-huit siècles…

Et maintenant, on dirait la Vierge Marie en personne qui vient à nous, avec l’enfant Jésus dans ses bras… À quelques pas, elle s’arrête, appuyée au tronc d’un olivier, les yeux abaissés vers la terre, dans l’attitude calme et jolie des madones : une toute jeune femme aux traits purs, vêtue de bleu et de rose sous un voile aux longs plis blancs. D’autres saintes femmes la suivent, tranquilles et nobles dans leurs robes flottantes, coiffées aussi du hennin et du voile ; elles forment un groupe idéal, que le couchant éclaire d’une dernière lueur frisante ; elles parlent et sourient à nos humbles muletiers, leur offrant de l’eau pour nous dans des amphores et des oranges dans des corbeilles.

Sous la magie du soir, à mesure qu’une sérénité charmée nous revient, nous nous retrouvons pleins d’indulgence, admettant et excusant tout ce qui nous avait révoltés d’abord. — Mon Dieu ! les profanations, les innocentes petites barbaries de la crypte, nous aurions bien dû nous y attendre et ne pas les regarder de si haut avec notre dédain de raffinés. Les mille petites chapelles, les dorures et les grossières images, les chapelets, les cierges, les croix, tout cela enchante et console la foule innombrable des simples, pour lesquels aussi Jésus avait apporté