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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/140

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chose qui doit être une forêt d’arbres annuels, dans une délicate et rare fraîcheur d’avril ; une forêt touffue, compacte, du milieu de laquelle semblent émerger — mais tout petits encore, incertains, perceptibles seulement grâce aux transparences de l’air — les dômes et les minarets innombrables d’une ville rose, rose de saumon, rose de chair dorée… En approchant davantage, nous voyons la ville enchantée, si lointaine, plonger peu à peu, s’abîmer dans l’épaisseur du bocage, dans la forêt mystérieuse dont les bords au contraire grandissent, prennent toujours plus d’importance et de hauteur à nos yeux. Et bientôt, elle a même disparu tout à fait, cette ville rose, noyée dans les verts printaniers [pritaniers] ; on doute si réellement on l’a aperçue ; plus rien, que les profondes ramures qui la gardent… De premiers bouquets d’arbres, des peupliers, des trembles, semés dans la solitude aride, sont maintenant sur notre route, comme des avant-coureurs de l’éden. Et des petits ruisseaux empressés, bruyants, peuplés de tortues noires, entourés d’anémones fleuries et de figuiers, se hâtent vers les grands bois où Damas nous est apparue, comme vers un rendez-vous général de toutes les eaux de cette contrée.