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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/179

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chatoiements de soie, d’inaltérables couleurs, rouges, orangées ou vertes — et sur lesquels, il va sans dire, on ne marche jamais que pieds nus. Dans ce lieu calme, entouré de tant de défenses et de mystère, est réuni et quintessencié tout le charme de l’art religieux musulman, tout ce je ne sais quoi d’immatériel dans le dessin, dans les formes des choses, d’où résulte l’impression d’une paix spéciale, étrangère à nos âmes d’Occident… Distraitement, tandis que je regarde la grille magnifique du penseur de Damas, j’ai posé la main sur l’un de ces autres catafalques de marbre qui surgissent du velours des tapis, d’ailleurs, sur le plus modeste de tous, que recouvre un simple drap noir : — Savez-vous, me dit le pacha, contre qui vous vous appuyez ? qui dort là-dessous ?… L’émir Abd-el-Kader ! L’émir Abd-el-Kader !… Je ne m’attendais pas, dans cette demeure d’étrange repos, à entendre sonner ce nom vibrant, tout auréolé encore d’un prestige d’héroïsme et de guerre ; D’un geste irréfléchi, qui est un ressouvenir des coutumes d’Occident, je porte la main au front, pour me découvrir devant ce mort… Mais non, je suis vêtu en oriental, soumis ici à l’étiquette musulmane — et mon bras retombe.