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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/51

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aussi, les forêts qui jadis couvraient les cimes de Gilboë ; tout s’est changé en un mélancolique désert de broussailles et d’herbes, où seule la vigne de Naboth a laissé trace. Mais le printemps et la lumière sont demeurés les mêmes ; les tranquilles céréales, un peu plus envahissantes peut-être à présent qu’aux époques où abondaient ici les hommes, germent aux mêmes saisons et aux mêmes places. Et sans doute, malgré les invasions, malgré les croisements, les belles filles qui ramassent aujourd’hui des coquelicots parmi les blés ressemblent à celles d’autrefois, dans leurs gestes et leurs poses ; ont la même beauté brune et les mêmes regards. Sous ces infinies nappes vertes, la terre doit être toute mêlée de débris de guerriers et d’armes, car cette plaine n’a cessé d’être le grand champ de bataille de la Palestine, depuis les Hébreux jusqu’aux Croisés, depuis les Amalékites jusqu’aux Sarrasins et aux Bédouins, leurs continuateurs pareils. A toutes les époques, elle a entendu des clameurs de guerre, des galops de cavalerie, des chocs d’armures. Et, comme si elle n’avait pas encore été assez piétinée au cours des vieux âges, Bonaparte aussi, incidemment, y est apparu ; à l’époque où son premier rêve, son vague rêve d’empire oriental, commençait à s’irréaliser sous les murs imprenables de Saint-Jean-