Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/71

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retrouvons, elle et moi, comme d’anciens amis, fatigués de s’être trop connus ; c’est au milieu des quartiers caducs, aujourd’hui silencieux, qui confinent à l’immense ville des morts et où passe à peine, de temps à autre, quelque mousmé furtive, jetant l’éclat de sa robe de fête au milieu des antiques boiseries et des vénérables pierres. Nagasaki finit à la montagne abrupte, qui s’élève chargée de temples et de sépultures, qui forme tout alentour un seul et même cimetière, étagé au-dessus de la ville des vivants, un cimetière un peu dominateur, mais tellement doux et ombreux…

Au pied même de cette nécropole, passe une rue délaissée, où demeure la vieille et maigre madame L’Ourse, ma fleuriste habituelle. C’est une rue très ancienne ; d’un côté, il y a des maisonnettes d’autrefois, des échoppes centenaires où l’on vend des fleurs pour les tombes, et, de rencontre, des petits dieux domestiques, ou des autels en laque pour ancêtres ; de l’autre, il y a le flanc même de la montagne, le rocher presque vertical, interrompu de distance en distance par les grands portiques sans âge, les