Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/72

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grands escaliers qui conduisent aux pagodes, ou bien par les petits sentiers de chèvre, tapissés de capillaires et de mousses, qui vont se perdre là-haut, chez messieurs les morts et mesdames les mortes. J’y viens souvent, dans cette rue, non pas seulement à cause de madame L’Ourse, mais pour prendre ensuite quelqu’un de ces sentiers grimpants et monter dans l’immense et délicieux cimetière. Surtout par un soleil nostalgique, d’une tiédeur d’orangerie, comme celui de ce soir, je ne sais pas s’il existe au monde un lieu plus adorable ; c’est un labyrinthe de petites terrasses superposées, de petites sentes, de petites marches, parmi la mousse, le lichen et les plus fines capillaires aux tiges de crin noir. En s’élevant, on domine bientôt toutes les antiques pagodes, rangées à la base de cette montagne comme pour servir d’atrium aux quartiers aériens où dorment les générations antérieures ; la vue plonge alors sur leurs toits compliqués, leurs cours aux dalles tristes, leurs symboles, leurs monstres. Au delà, toute cette ville de Nagasaki, vue à vol d’oiseau, étale ses milliers de