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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/103

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revoir et de l’affronter. Et je vais à lui le sourire aux lèvres, tout armée de ruse, décidée à l’étonner d’abord, à l’éblouir, mais l’âme emplie de haine et de projets de vengeance…

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Un frou-frou de soie derrière elle, tout près, la fit tressaillir : sa belle-mère, arrivée à pas veloutés de vieille chatte ! Heureusement elle ne lisait point le français, celle-ci, étant tout à fait vieux jeu, et, de plus, elle avait oublié son face-à-main.

— Eh bien ! chère petite, c’est trop écrire, ça !… Depuis tantôt trois heures, assise à votre bureau !… C’est que je suis déjà venue souvent, moi, sur la pointe du pied !… Voilà notre Hamdi qui va rentrer d’Yldiz, et vous aurez vos jolis yeux tout fatigués pour le recevoir… Allons, allons ! reposez-vous un peu. Serrez-moi ces papiers jusqu’à demain…

Pour serrer les papiers, elle ne se fit point prier, — vite les serrer à clef dans un tiroir, — car une autre personne venait d’apparaître à la porte du salon, une qui lisait le français et qui avait le regard perçant : la belle Durdané (Grain de perle), cousine d’Hamdi-Bey, récemment divorcée, et en visite dans la maison depuis avant-hier. Des yeux au henneh, des cheveux au henneh, un trop joli visage, avec un mauvais sourire. En elle, la petite mariée avait déjà pressenti une perfide. Inutile de lui recommander, à