Aller au contenu

Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des flocons de neige. Dans l’abject faubourg cosmopolite où les paquebots accostent et qui est là comme pour conseiller aux nouveaux arrivants de vite repartir, les rues étaient des cloaques de boue gluante où pataugeaient des Levantins sordides et des chiens galeux.

Et André Lhéry, le cœur serré, limagination morte, prit place comme un condamné dans le fiacre qui le conduisit, par des mon— tées à peine possibles, vers le plus banal des hôtels dits Palaces".

Péra, où sa situation lobligeait dhabiter cette fois, est ce lamentable pastiche de ville européenne, quun bras de mer, et quelques siècles aussi, séparent du grand Stamboul des mosquées et du rêve. C’est là qu’il dut, malgré son envie de fuir, se résigner à prendre un logis. Dans le quartier le moins prétentieux, il se percha très haut, non seulement pour séloigner davantage, en altitude au moins, des élégances Pérotes qui sévissaient en bas, mais aussi pour jouir dune vue immense, apercevoir de toutes ses fenêtres la Corne-dOr, avec la silhouette de Stamboul, érigée sur le ciel, et à lhorizon la ligne sombre des cyprès, les grands cimetières où dort depuis plus de vingt ans, sous une dalle brisée, lobscure Circassienne qui fut lamie de sa jeunesse.

Le costume des femmes turques nétait plus le même quà son premier séjour:c’est là une des choses qui lavaient