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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/109

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frappé dabord. Au lieu du voile blanc dautrefois, qui laissait voir les deux yeux et quelles appelaient yachmak, au lieu du long camail de couleur claire quelles appelaient féradjé, maintenant elles portaient le tcharchaf, une sorte de domino presque toujours noir, avec un petit voile également noir retombant sur le visage et cachant tout, même les yeux. Il est vrai, elles le relevaient parfois, ce petit voile, et montraient aux passants lovale entier de leur figure, —ce qui semblait à André Lhéry une subversive innovation. À part cela, elles étaient toujours les mêmes fantômes, que lon coudoie partout, mais avec qui la moindre communication est interdite et que lon ne doit pas même regarder ; les mêmes cloîtrées dont on ne peut rien savoir; les inconnaissables, —les inexistantes, pourrait-on dire:dailleurs, le charme et le mystère de la Turquie. André Lhéry, jadis, par une suite de hasards favorables, impossibles à rencontrer deux fois dans une existence, avait pu, avec la témérité dun enfant qui ignore le danger, sapprocher de lune delles, —si près qu’il lui avait laissé un morceau de son âme, accrochée. Mais cette fois, renouveler laventure, il ny songeait même point, pour mille raisons, et les regardait passer comme on regarde les ombres ou les nuages….

Le vent de la Mer Noire, pendant les premières semaines, continua de souffler tout le temps et la pluie