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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/122

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André regarda derrière lui. Un talika, en effet, débouchait dune voûte darbres, —arrivait cahin-caha, par le sentier mauvais. Entre les rideaux, que le vent remuait, on apercevait deux ou trois formes féminines, qui étaient toutes noires, visages compris:

« Elles sont au moins une douzaine là-dedans, objecta André. Alors vous pensez, mon petit ami, quon arrive comme ça, en bande, pour un rendez— vous ?… Une visite de corps ?… »

Cependant le talika allait passer devant eux… Quand il fus tout près, une petite main gantée de blanc sortit des voiles sombres et fit un signe… C’était donc bien cela… Et elles étaient trois ! Trois, quelle étonnante aventure !…

« Donc je vous laisse, dit André. Soyez discret, comme vous l’avez promis ; ne regardez pas. Et puis réglez nos dépenses à ce vieux bonhomme, ça vous revient. »

Il se mit donc à suivre de loin le talika qui, dans le sentier toujours désert, s’arrêta bientôt à l’abri d’un groupe de platanes. Trois fantômes noirs, noirs de la tête aux pieds, sautèrent aussitôt sur l’herbe, c’étaient des fantômes légers, très sveltes, qui avaient des traînes de soie, ils continuèrent de marcher, contre le vent froid qui soufflait avec violence et leur faisait baisser le front; mais ils allaient de plus en plus lentement, comme pour inviter le suiveur à les rejoindre.