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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/146

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pour l’obtenir ?… Son père, à qui elle avait peu à peu rendu sa tendresse, l’aurait protégée, lui, après de Sa Majesté Impériale ; mais il dormait depuis un an, dans le saint cimetière d’Eyoub. Restait sa grand-mère, bien vieille pour de telles démarches, et surtout beaucoup trop 1320 pour comprendre : de son temps, à celle-là, deux épouses dans une maison, ou trois, ou même quatre, pourquoi pas ? C’est d’Europe, qu’était venue, —comme les institutrices et l’incroyance, —cette mode nouvelle de n’en vouloir qu’une !…

Dans sa détresse, elle avait donc imaginé d’aller se jeter aux pieds de la Sultane mère, connue pour sa bonté, et l’audience avait été accordée sans peine à la fille de Tewfik-Pacha, maréchal de la cour.

Une fois franchie la grande enceinte des parcs d’Yldiz, le coupé noir arriva devant une grille fermée, qui était celle des jardins de la Sultane. Un nègre, avec une grosse clef solide, vint ouvrir, et la voiture, derrière laquelle une bande d’eunuques à la livrée de la « Validé » couraient maintenant pour aider la visiteuse à descendre, s’engagea dans les allées fleuries, pour s’arrêter en face du perron d’honneur.

La jolie suppliante connaissait le cérémonial d’introduction, étant déjà venue plusieurs fois, aux grandes réceptions du Baïram, chez la bonne princesse. Dans le vestibule, elle trouva, comme elle s’y attendait,