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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/150

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ne manquent jamais de filtrer jusqu’au fond des sérails, même les plus hermétiquement clos.

Mais le trouble de la visiteuse se dissimulait mal ; elle avait besoin de parler, d’implorer ; cela se voyait trop bien… Avec une gentille discrétion, le prince se retira ; les princesses et les belles Saraylis, sous prétexte de regarder je ne sais quoi dans les lointains du Bosphore, allèrent s’accouder aux fenêtres grillées d’un salon voisin.

— Qu’y a-t-il, ma chère enfant ? — demanda alors tout bas la grande princesse, penchée maternellement vers « Zahidé », qui se laissa tomber à ses genoux.

Les premières minutes furent d’anxiété croissante et affreuse, quand la petite révoltée qui cherchait avidement sur le visage de la Sultane l’effet de ses confidences, s’aperçut que celle-ci ne comprenait pas et s’effarait. Les yeux cependant, toujours bons, ne refusaient point ; mais ils semblaient dire : « Un divorce, et un divorce si peu justifié ! Quelle affaire difficile !… Oui, j’essaierai… Mais, dans des conditions telles, mon fils jamais n’accordera… »

Et « Zahidé », devant ce refus qui pourtant ne se formulait pas, croyait sentir les tapis, le parquet se dérober sous ses genoux, se jugeait perdue, — quand soudain quelque chose comme un frisson de terreur religieuse passa dans le palais tout entier ; on courait, à pas sourds, dans les vestibules ; toutes les esclaves,