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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/151

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long des couloirs, avec des froissements de soie, tombaient prosternées… Et un eunuque se précipita dans le salon, annonçant, d’une voix que la crainte faisait plus pointue :

« Sa Majesté Impériale !… »

Il avait à peine prononcé ce nom à faire courber les têtes, quand, sur le seuil, le Sultan parut. La suppliante, toujours agenouillée, rencontra et soutint une seconde ce regard, qui s’abaissait directement sur le sien, puis perdit connaissance, et s’affaissa comme une morte toute blême, dans le nuage argenté de sa belle robe…

Celui qui venait d’apparaître à cette porte était l’homme sur terre le plus inconnaissable pour la masse des âmes occidentales, le Khalife aux responsabilités surhumaines, l’homme qui tient dans sa main l’immense Islam et doit le défendre, aussi bien contre la coalition inavouée des peuples chrétiens que contre le torrent de feu du Temps ; l’homme qui, jusqu’au fond des déserts d’Asie, s’appelle « l’ombre de Dieu ».

Ce jour-là, il voulait simplement visiter sa mère vénérée, quand il rencontra l’angoisse et l’ardente prière dans l’expression de la jeune femme à genoux. Et ce regard pénétra son cœur mystérieux, que durcit par instants le poids de son lourd sacerdoce, mais qui en revanche demeure accessible à d’intimes et exquises pitiés, si ignorées de tous. D’un signe, il indiqua la suppliante