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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/152

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suppliante à ses filles, qui, restant inclinées pour un salut profond, ne l’avaient pas vue s’affaisser, et les deux princesses aux longues traînes éployées relevèrent dans leurs bras, tendrement comme si elle eût été leur sœur, la jeune femme à la traîne retenue, — qui, sans le savoir, venait de gagner sa cause avec ses yeux.

Quand « Zahidé » revint à elle, longtemps après, le Khalife était parti. Se rappelant tout à coup, elle regarda alentour, incertaine d’avoir vu en réalité ou d’avoir rêvé seulement la redoutable présence. Non, le Khalife n’était pas là. Mais la Sultane mère, penchée sur elle et lui tenant les mains, affectueusement lui dit :

— Remettez-vous vite, chère enfant, et soyez heureuse : mon fils m’a promis de signer demain un iradé qui vous rendra libre.

En redescendant l’escalier de marbre, elle se sentait toute légère, toute grisée et toute vibrante, comme un oiseau à qui on vient d’ouvrir sa cage. Et elle souriait aux petites fées des yachmaks, en troupe soyeuse derrière elle, qui accouraient pour la recoiffer, et qui, en un tour de main, eurent rétabli, avec cent épingles, sur ses cheveux et son visage, le traditionnel édifice de gaze blanche.

Cependant, remontée dans son coupé noir et or, tandis que ses chevaux trottaient fièrement vers Khassim-Pacha, elle sentit qu’un nuage se levait sur