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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/161

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vous l’aimez, vous y êtes chez vous… Et nous aussi, nous l’aimons… et nous y serons chez nous, plus tard, car c’est ici, quand notre heure sera venue, que nous désirons dormir."

André alors les regardait avec une stupeur nouvelle:était-ce possible, ces trois petites créatures, dont il avait senti déjà le modernisme extrême, qui lisaient madame de Noailles, et pouvaient à l’occasion parler comme les jeunes Parisiennes trop dans le train des livres de Gyp, ces petites fleurs du XXe siècle, étaient appelées, en tant que musulmanes et sans doute de grande famille, à dormir un jour dans ce bois sacré, là, en bas, parmi tous ces morts à turban des vieux siècles de l’hégire; dans quelqu’un de ces inquiétants kiosques de marbre, elles auraient leur catafalque en drap vert, garni d’un voile de la Mecque sur quoi la poussière s’amasserait bientôt, et on viendrait le soir leur allumer comme aux autres leur petite veilleuse… Oh ! toujours ce mystère d’Islam, sous lequel ces femmes restaient enveloppées, même en plein jour, quand le ciel était bleu et quand brillait un soleil de printemps…

Ils causaient, assis sur des tombes très anciennes, les pieds dans un herbe fine, semée de ces fleurettes délicates qui sont amies des terrains secs et tranquilles. Ils avaient là, pour leur conversation, un site merveilleux, un site unique au monde, et consacré par