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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/162

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par tout un passé. Quantité de précédentes générations, des empereurs byzantins et des khalifes magnifiques avaient travaillé pendant des siècles à composer pour eux seuls ce décor de féerie : c’était tout Stamboul, un peu à vol d’oiseau et découpant son amas de mosquées sur le bleu lointain de la mer ; un Stamboul vu en raccourci, en enfilade, les dômes, les minarets chevauchant les uns sur les autres en profusion confuse et superbe, avec, par-derrière, la nappe immobile de la Marmara dessinant son vertigineux cercle de lapis. Et aux premiers plans, tout près d’eux, il y avait les milliers de stèles, les unes droites, avec leurs arabesques dorées, leurs fleurs dorées, leurs inscriptions dorées ; il y avait les cyprès de quatre cents ans, aux troncs comme des piliers d’église, et d’une couleur de pierre, et aux feuillages si sombres qui montaient partout dans ce beau ciel comme des clochers noirs.

Elles semblaient presque gaies aujourd’hui, les trois petites âmes sans figure, gaies parce qu’elles étaient jeunes, parce qu’elles avaient réussi à s’échapper, qu’elles se sentaient libres pour une heure, et parce que l’air ici était suave et léger, avec des odeurs de printemps.

— Répétez un peu nos noms, commanda « Ikbal », pour voir si vous ne vous embrouillerez pas.