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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/177

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d, ou dans des rues bordées d’exquises fontaines, de kiosques funéraires, d’enclos grillés enfermant des tombes, on se sentait redescendre peu à peu l’échelle des âges, rétrograder vers les siècles révolus.

(1) Mehmed-Fatih, ou Sultan-Fatih (Mehmed le Conquérant), Mahomet II.

Ils avaient une bonne heure eux, quand, au sortir de ruelles ombreuses, ils se retrouvèrent en face de la colossale mosquée blanche, dont les minarets à croissants d’or se perdaient dans le bleu infini du ciel. Devant la haute ogive d’entrée, la place où ils venaient s’asseoir est comme une sorte de parvis extérieur, que fréquentent surtout les pieux personnages, fidèles au costume des ancêtres, robe et turban. Des petits cafés centenaires s’ouvrent tout autour, achalandés par les rêveurs qui causent à peine. Il y a aussi des arbres, à l’ombre desquels d’humbles divans sont disposés, pour ceux qui veulent fumer dehors. Et, dans des cages pendues aux branches, il y a des pinsons, des merles, des linots, spécialement chargés de la musique, dans ce lieu naïf et débonnaire.

Ils s’installèrent sur une banquette, où des Imams s’étaient reculés avec courtoisie pour les faire asseoir. Près d’eux, vinrent tour à tour des petits mendiants, des chats affables en quête de caresses, un vieux à turban vert qui offrait du coco « frais comme glace », des petites bohémiennes très jolies qui vendaient de l’eau de rose et qui dansaient, —tous souriants, discrets et n’insistant pas. Ensuite, sans plus s’occuper d’eux, on les