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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/179

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d’ironie, brûlés d’alcool ! Et comme on se sentait là au milieu d’un monde heureux, resté presque à l’âge d’or, —pour avoir su toujours modérer ses désirs, craindre les changements et garder sa foi ! Parmi ces gens assis là sous les arbres, satisfaits avec la minuscule tasse de café qui coûte un sou, et le narguilé berceur, la plupart étaient des artisans, mais qui travaillaient pour leur compte, chacun de son petit métier d’autrefois, dans sa maisonnette ou en plein air. Combien ils plaindraient les pauvres ouvriers en troupeau de nos pays de « progrès », qui s’épuisent dans l’usine effroyable pour enrichir le maître ! Combien leur paraîtraient surprenantes et dignes de pitié les vociférations avinées de nos bourses du travail, ou les inepties de nos parlotes politiques, entre deux verres d’absinthe, au cabaret !…

L’heure approchait ; André Lhéry quitta son compagnon et s’achemina seul vers le quartier plus lointain de Sultan-Selim, toujours en pleine turquerie, mais par des rues plus désertes, où l’on sentait la désuétude et les ruines. Vieux murs de jardins ; vieilles maisons fermées, maisons de bois comme partout, peintes jadis en ces mêmes ocres foncés ou bruns rouges qui donnent à l’ensemble de Stamboul sa teinte sombre, et font éclater davantage la blancheur de ses minarets.

Parmi tant et tant de mosquées, celle de Sultan-Selim est