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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/180

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une des très grandes, dont les dômes et les flèches se voient des lointains de la mer, mais c’est aussi une des plus à l’abandon. Sur la place qui l’entoure, point de petits cafés, ni de fumeurs ; et aujourd’hui, personne dans ses parages ; devant l’ogive d’entrée, un triste désert. Sur sa droite, André vit la ruelle indiquée par Mélek, « entre un couvent de derviches et un petit cimetière » ; bien sinistre cette ruelle, où l’herbe verdissait les pavés. En arrivant sur la place de l’humble mosquée Tossoun-Agha, il reconnut la grande maison, certainement hantée, qu’il fallait contourner ; personne non plus sur cette place, mais les hirondelles y chantaient le beau mois de mai ; une glycine y formait berceau, une de ces glycines comme on n’en voit qu’en Orient, avec des branches aussi grosses que des câbles de navire, et ses milliers de grappes commençaient à se teinter de violet tendre. Enfin l’impasse, plus funèbre que tout, avec son herbe par terre, et ses pavés très en pénombre, sous les vieux balcons masqués d’impénétrables grillages. Personne, pas même d’hirondelles, et silence absolu. « Le lieu a un peu l’air d’un coupe-gorge », avait écrit Mélek en post-scriptum:oh ! pour ça, oui !

Quand on est un faux Turc et en maraude, presque dans le dommage, cela gêne de s’avancer sous de tels balcons, d’où tant d’yeux invisibles pourraient observer.