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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/181

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André marchait avec lenteur, égrenait son chapelet, regardant tout sans en avoir l’air, et comptait les portes closes. « La cinquième, à deux battants, avec un frappoir de cuivre. » Ah ! celle— ci !… Du reste, on venait de l’entrebâiller, et, par la fente, passait une petite main gantées qui tambourinait sur le bois, une petite main gantée à plusieurs boutons, très peu chez elle, à ce qu’il semblait, dans ce quartier farouche. Il ne fallait pas paraître indécis, à cause des regards possibles; avec assurance donc, André poussa la battant et entra.

Le fantôme noir embusqué derrière et qui avait bien la tournure de Mélek, referma vite à clef, tira le verrou en plus, et dit gaiement:

« Ah ! vous avez trouvé ?… Montez, mes sœurs sont là-haut, qui vous attendent. »

Il monta un escalier sans tapis, obscur et délabré. Là-haut, dans un pauvre petit harem tout simple, aux murailles nues, que les grilles en fer et les quadrillages en bois des fenêtres laissaient dans un triste demi-jour, il trouva les deux autres fantômes qui lui tendirent la main… Pour la première fois de sa vie, il était dans un harem, — chose qui, avec son habitude de l’Orient, lui avait toujours paru l’impossibilité même; il était derrière ces quadrillages des appartements de femmes, ces quadrillages si jaloux, que les hommes, excepté le maître, ne voient jamais que du dehors.