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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/182

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dehors. Et en bas, la porte était verrouillée, et cela se passait au cœur du Vieux-Stamboul, et dans quelle mystérieuse demeure !… Il se demandait, avec une petite frayeur, pour lui si amusante : « Qu’est-ce que je fais ici ? » Tout le côté enfant de sa nature, tout le côté encore avide de sortir de soi-même, encore amoureux de se dépayser et changer, était servi au-delà de ses souhaits.

Et pourtant, elles ressemblaient à trois spectres de tragédie, les dames de son harem, aussi voilées que l’autre jour à Eyoub, et plus indéchiffrables que jamais, avec le soleil en moins. Quant au harem lui-même, au lieu de luxe oriental, il n’étalait qu’une décente misère.

Elles le firent asseoir sur un divan aux rayures fanées, et il promena les yeux alentour. Si pauvres qu’elles fussent, les dames de céans, elles étaient femmes de goût, car tout dans sa simplicité extrême restait harmonieux et oriental ; nulle part de ces bibelots de pacotille allemande qui commencent, hélas ! à envahir les intérieurs turcs.

— Je suis chez vous ? demanda André.

— Oh ! non, répondirent-elles, d’un ton qui indiquait un vague sourire sous le voile.

— Pardonnez-moi ; ma question était idiote, pour un tas de raisons ; la première, c’est que ça me serait égal ; je suis avec vous, le reste ne m’importe guère.