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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/200

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quittant cette fois, emportait la certitude de les revoir : il les tenait à présent par ce livre, et peut-être par quelque chose de plus aussi, par un lien d’ordre encore indéfinissable, mais déjà résistant et doux, qui commençait de se former surtout entre Djénane et lui.

Mélek, qui s’était instituée l’étonnant petit portier de cette maison à surprise, fut chargée de le reconduire. Et, pendant le court tête-à-tête avec elle, dans l’obscur couloir délabré, il lui reprocha vertement la mystification des photos sans visage. Elle ne répondit rien, continue de le suivre jusqu’au milieu du vieil escalier sombre, pour surveiller de là s’il trouverait bien la manière de faire jouer les verrous et la serrure de la porte extérieure.

Et, quand il se retourna sur le seuil pour lui envoyer son adieu, il la vit là-haut qui lui souriait de toutes ses jolies dents blanches, qui lui souriait de son petit nez en l’air, moqueur sans méchanceté, et de ses beaux grands yeux gris, et de tout son délicieux petit visage de vingt ans. À deux mains, elle tenait relevé son voile jusqu’aux boucles d’or roux qui lui encadraient le front. Et son sourire disait : « Eh bien ! oui, là, c’est moi, Mélek, votre petite amie Mélek, que je vous présente ! Moi d’ailleurs, ce n’est pas comme si c’étaient les autres. Djénane par exemple ; moi, ça n’a aucune importance. Bonjour, André Lhéry, bonjour ! »

Ce fut le temps d’un éclair, et le voile noir retomba. André