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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/21

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houle presque éternelle, ouverture béante sur des immensités trop infinies qui attirent et qui inquiètent. Combien la Marmara, revue en souvenir, était plus douce, plus apaisante et endormeuse, avec ce mystère d’Islam tout autour sur ses rives ! Le pays Basque, dont il avait été parfois épris, ne lui paraissait plus valoir la peine de s’y arrêter ; l’esprit du vieux temps qui, jadis, lui avait semblé vivre encore dans les campagnes pyrénéennes, dans les antiques villages d’alentour, —même jusque devant ses fenêtres, là, dans cette vieille cité de Fontarabie, malgré l’invasion des villas imbéciles, —le vieil esprit basque, non, aujourd’hui il ne le retrouvait plus. Oh ! là-bas à Stamboul, combien davantage il y avait de passé et d’ancien rêve humain, persistant à l’ombre des hautes mosquées, des cimetières où les veilleuses à petite flamme jaune s’allument le soir par milliers pour les âmes des morts. Oh ! ces deux rives qui se regardent, l’Europe et l’Asie, se montrant l’une à l’autre des minarets et des palais tout le long du Bosphore, avec de continuels changements d’aspect, aux jeux de la lumière orientale ! Auprès de la féerie du Levant, quoi de plus morne et de plus âpre que ce golfe de Gascogne ! Comment donc y demeurait-il au lieu d’être là-bas ? Quelle inconséquence de perdre ici les jours comptés de la vie, quand là-bas était le pays des enchantements légers,