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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/212

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pendues aux arbres, —des vieilles lanternes à l’huile, —éclairaient aussi, discrètement ; et partout, sur les banquettes ou sur les escabeaux, les rêveurs à turban fumaient, en causant peu et à voix basse; on entendait le petit bruissement spécial de leurs narguilés, qui étaient là par centaines:l’eau qui s’agite dans la carafe, à l’aspiration longue et profonde du fumeur. On lui apporta le sien, avec des petites braises vives sur les feuilles du tabac persan, et bientôt commença pour lui, comme pour tous ces autres qui l’environnaient, une demi-griserie très douce, inoffensive et favorable aux pensées. Sous ces arbres, où s’accrochaient les petites lanternes à peine éclairantes, il était assis juste en face de la mosquée, dont le séparait la largeur de l’esplanade. Vide et très en pénombre, cette place, où des dalles déjetées alternaient avec de la terre et des trous; haute, grande, imposante, cette muraille de mosquée, qui en occupait tout le fond, et sévère comme un rempart, avec une seule ouverture : l’ogive d’au moins trente pieds donnant accès dans la sainte cour. Ensuite, de droite et de gauche, dans les lointains, c’était de la nuit confuse, du noir, —des arbres peut-être, de vagues cyprès indiquant une région pour les morts, —de l’obscurité plus étrange qu’ailleurs, de la paix et du mystère d’Islam. La lune qui, depuis une heure ou deux, s’était levée de derrière les montagnes d’Asie, commençait de poindre au-