Aller au contenu

Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les turbans blancs et les longues robes s’en vont prier. Et puis il en vient d’autres, de différents côtés, sortant des entours obscurs, du noir des arbres, du noir des rues et des maisons closes. Ils arrivent en babouches silencieuses, ils marchent calmes, recueillis et graves. Cette haute ogive, qui les attire tous, percée dans la si grande muraille austère, c’est un fanal du vieux temps qui est censé l’éclairer ; il est pendu à l’arceau, et sa petite flamme paraît toute jaune et morte, au-dessous du bel éblouissement lunaire dont le ciel est rempli. Et, tandis que les voix d’en haut chantent toujours, cela devient une procession ininterrompue de têtes enroulées de mousseline blanche, qui s’engouffrent là-bas sous l’immense portique.

Quand les bancs de la place se sont vidés, André Lhéry se dirige aussi vers la mosquée, le dernier et se sentant le plus misérable de tous, lui qui ne priera pas. Il entre et reste debout près de la porte. Deux ou trois mille turbans sont là, qui d’eux-mêmes viennent de s’aligner sur plusieurs rangs pareils et font face au mihrab. Une voix plane sur leur silence, une voix si plaintive, et d’une mélancolie sans nom, qui vocalise en notes très hautes comme les muezzins, semble mourir épuisée, et puis se ranime, vibre à nouveau en frissonnant sous les vastes coupoles, traîne, traîne, s’éteint comme d’une lente agonie, et meurt, pour recommencer encore. C’est elle, cette voix, qui règle les