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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/220

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Maintenant, en toute simplicité et sincérité de cœur, nous voulons vous proposer une chose. Vous entendant parler l’autre jour de la tombe qui vous est chère, nous avons eu toutes les trois la même idée, que le même sentiment de crainte nous a retenues d’exprimer. Mais nous osons maintenant, par lettre… Si nous savions où elle est, cette tombe de votre amie, nous pourrions y aller prier quelquefois, et, quand vous serez parti, y veiller, puis vous en donner des nouvelles. Peut-être vous serait-il doux de penser que ce coin de terre, où dort un peu de votre cœur, n’est pas entouré que d’indifférence. Et nous serions si heureuses, nous, de ce lien un peu réel avec vous, quand vous serez loin ; le souvenir de votre amie d’autrefois défendrait peut-être ainsi de l’oubli vos amies d’à présent…

Et, dans nos prières pour celle qui vous a appris à aimer notre pays, nous prierons aussi pour vous, dont la détresse intime nous est bien apparue, allez !… Comme c’est étrange que je me sente revenir à une espérance, depuis que je vous connais, moi qui n’en avais plus ! Est-ce donc à moi de vous rappeler qu’on n’a pas le droit de borner son attente et son idéal à la vie, quand on a écrit certaines pages de vos livres… DJÉNANE."

Il avait souhaité cela depuis bien longtemps, pouvoir recommander la tombe de Nedjibé à quelqu’un d’ici qui en aurait soin ; surtout il avait fait ce rêve, en apparence bien irréalisable, de la confier à des femmes turques, sœurs de la petite morte par la race et par l’Islam. Donc, la proposition de Djénane, non seulement l’attachait beaucoup à elle, mais comblait son vœu