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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/249

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XXII DJÉNANE À ANDRÉ

"Le 17 août 1904 (à la franque).

Vraiment, André, vous tenez à la suite de ma petite histoire ? C’est pourtant une bien pauvre aventure, que j’ai commencé de vous conter là.

Mais combien fait mal un amour qui meurt ! Ah ! s’il mourait du moins tout d’un coup ! Mais non, il lutte, il se débat, et c’est cette agonie qui est cruelle.

Parce que de mes mains mon petit sac tomba, au bruit d’un flacon à parfum qui se brisait par terre, Durdané tourna vers moi la tête. Elle ne fut pas troublée. Ses yeux couleur d’eau s’ouvrirent et elle me fit son joli sourire de panthère. Sans un mot, elle et moi nous regardions. Hamdi encore ne voyait rien. Elle avait un bras passé autour de son cou et, doucement, elle le força lui aussi à tourner la tête : « Djénane ! » dit-elle, d’une voix indifférente.

Je ne sais ce qu’il fit, car je me sauvai pour ne plus voir. D’instinct, c’est auprès de sa mère que j’allai me réfugier. Elle lisait son Coran, et d’abord gronda d’être interrompue dans sa méditation, puis se leva effarée, pour aller vers eux, me laissant seule. Quand elle revint, je