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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/27

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pourtant un rien d’extravagance, presque une vieille fille, mais cependant pas encore ; quelque institutrice, cela se devinait, très diplômée, et de bonne famille pauvre.

« Je l’ai !… Nous l’avons, chère petite !… » dit-elle en français, montrant avec un geste de puéril triomphe une lettre non ouverte, qu’elle venait de prendre à la poste restante.

Et la petite princesse couchée répondit dans la même langue, sans le moindre accent étranger :

"Non, vrai ?

— Mais oui, vrai !… De qui voulez-vous que ce soit, enfant, sinon de lui ?… Y a-t-il ou n’y a-t-il pas Zahidé Hanum sur cette enveloppe ?… Eh bien !… Ah ! si vous avez donné le mot de passe à d’autres, c’est différent…

— Ça, vous savez que non !…

— Eh bien ! alors…"

La jeune fille s’était redressée, les yeux à présent très ouverts, une lueur rose sur les joues, —comme une enfant qui aurait eu un gros chagrin, mais à qui on viendrait de donner un jouet si extraordinaire que, pour une minute, tout s’oublie. Le jouet, c’était la lettre ; elle la retournait dans ses mains, avide de la toucher, mais effrayée en même temps, comme si rien que cela fût un léger crime. Et puis, prête à déchirer l’enveloppe, elle s’arrêta pour supplier, avec câlinerie :