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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/272

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sous la floraison des colchiques dautomne. Zeyneb et Mélek portaient le yeldirmé léger que l’on tolère à la campagne et le voile de gaze blanche qui laisse paraître les yeux ; Djénane seule avait gardé le tcharchaf noir des citadines, pour continuer dêtre strictement invisible.

Quand elles sengagèrent dans certain sentier, convenu entre eux, un sentier qui grimpe vers la montagne, il les rejoignit, présenta Jean Renaud, —à qui elles avaient désiré toucher le bout des doigts pour s’excuser davoir préparé sa mort, —et qui fut envoyé en avant comme éclaireur. Par lexquise soirée qu’il faisait, ils montèrent gaiement au milieu des châtaigniers et des chênes; lherbe autour deux était pleine de scabieuses. Bientôt ce fut la région des bruyères, et les dessous de tous ces bois en devinrent entièrement roses. Et puis les lointains peu à peu se découvrirent. De ce côté-ci du Bosphore, le côté asiatique, c’étaient des forêts et des forêts:à perte de vue, sur les collines et les montagnes, sétendait ce superbe et sauvage manteau vert, qui abrite encore ses brigands et ses ours. Ensuite ce fut la Mer Noire, qui tout à coup se déploya infinie sous leurs pieds ; dun bleu plus décoloré et plus septentrional que celui de la Marmara pourtant si voisine, elle paraissait aujourdhui doucereusement tranquille et pensive, au soleil de ces derniers beaux jours dété, comme si elle