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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/29

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jeune fille un trouble comme le vertige. Et, de même que lui, là-bas, au reçu de l’enveloppe timbrée de Stamboul, avait eu l’impression que quelque chose commençait, de même elle, ici, présageait on ne sait quoi de délicieux et de funeste, à cause de cette réponse arrivée justement un tel jour, la veille du plus grand événement de toute son existence. Cet homme, qui régnait depuis si longtemps sur se rêves, cet homme aussi séparé d’elle, aussi inaccessible que si chacun d’eux eût habité une planète différente, venait vraiment d’entrer ce matin-là dans sa vie, du fait seul de ces quelques mots écrits et signés par lui, pour elle.

Et jamais à ce point elle ne s’était sentie prisonnière et révoltée, avide d’indépendance, d’espace, de courses par le monde inconnu… Un pas vers ces fenêtres, où elle s’accoudait souvent pour regarder au— dehors : —mais non, là il y avait ces treillages de bois, ces grilles de fer qui l’exaspéraient. Elle rebroussa vers une porte entrouverte, écartant d’un coup de pied la traîne de la robe de mariée qui s’étalait sur le somptueux tapis, —la porte de son cabinet de toilette, tout blanc de marbre, plus vaste que la chambre, avec des ouvertures non grillées, très larges, donnant sur le jardin aux platanes de cent ans. Toujours tenant sa lettre dépliée, c’est à l’une de ces fenêtres qu’elle s’accouda, pour voir du ciel libre,